Je ne savais pas où mettre ça... :)

Je suis Zans Brants Dinasty, Quarter Horse alezan de 19 ans.
Je suis né au Texas, dans une grande ferme d'élevage de chevaux prédestinés aux compétitions de ropping et de reinning.
Les éleveurs recherchaient force, rapidité et caractère chez leur monture, et j'étais de ces chevaux qui n'en manquait pas du tout. J'avais tout pour leur plaire et énormément de potentiel. J'étais intelligent, je comprenais vite, j'étais rapide et fort. Mais ! J'étais aussi très têtu.
Pour moi, courir et m'arrêter tout net n'était pas motivant. C'était même frustrant. Pourquoi m'arrêter quand j'étais en plein dans mon élan ? Ça n'avait aucun sens.
Courir après des veaux était aussi très énervant. Moi j'avais envie de plus, courir en ligne droite et ne jamais m'arrêter. Mais mes maîtres exigeaient beaucoup de moi et cela me rendait nerveux et lâche, voir même agressif.
Quand ça ne marchait pas à leur goût, c'étaient des chocs électriques ou de la broche piquante. Je ne vous dis pas le traumatisme que j'ai vécu. Eux ne comprenaient pas comment je me sentais. Moi, je coure seulement quand j'en ai envie et je fais ce que je veux quand je veux, point final. Si je n'ai pas envie de m'arrêter, tanpis pour la personne qui est sur mon dos.
J'ai fini par atterrir au Canada, à Mirabel pour être plus exact. Mon maître est parti très loin à ce qu'on m'a dit et je ne le reverrais plus jamais. Quelle chance ! À vrai dire, il était décédé, mais ça ne m'attristait pas : fini le brassage de cage.
La femme qui m'a accueillis avait une fermette où elle donnait des cours d'équitation aux gens. Je ne voyais aucun cheval courir en fou, aucun veau, pas de cow-boy, c'était la joie quoi ! Les chevaux semblaient d'un calme fou et paisibles.
On m'a mis sur les cours moi aussi ! Je dirais que tourner en rond dans un manège avec un jeune enfant sur mon dos était pour moi une expérience agréable. Un être si fragile qui m'était confié, comment lui faire du mal ? C'était impossible.
Les enfants m'adoraient, ils m'ont même surnommé Stan (parce que Zans Brants Dinasty était trop long) le roteur. À force d'être tenu dans un box à l'écart des autres chevaux, je ne pouvais faire autrement que tiquer. Même si cet endroit semblait être un paradis, il avait quand même ses inconvénients, soit dit en passant, peu de sorties libres avec mes congénères.
Ce que j'ignorais, c'est qu'il y avait à cet endroit, de beaux sentiers à perte de vue. La première fois que j'y suis allé (je ne me rappel même plus de la personne qui était sur mon dos tant ça s'est passé vite) je n'ai pas pu m'en empêcher : j'ai couru et couru encore. Je suis revenu à l'écurie mais, sans mon cavalier sur mon dos. À toutes les randonnées suivantes, ça été la même histoire.

On m'a mis un mors plus sévère. Pourquoi les gens ne comprennent pas qu'un mors ne change rien à notre mentalité ? Plus on me tire dans la bouche, plus je rage et plus il y a de chances que je m'emballe. On ne me respectait pas là !
Les humains pensent beaucoup à leur plaisir personnel et ils oublient très souvent de se mettre à la place de leur monture. J'avais besoin qu'on m'écoute moi aussi, qu'on m'aime et qu'on m'accepte avec le caractère que j'avais. J'étais une brute, un dur de dur et un indépendant. Je n'ai jamais fait confiance à l'humain à cause de son trop grand manque de respect envers moi.
Puis il y a eu ce fameux matin, ce fameux cours, cette fille, le moment décisif qui a chamboulé toute ma vie. Ma maîtresse avait décidé de lui donner un cours dans les bois, moi étant sa monture. Mais qu'elle idée pouvait-elle avoir de me choisir moi au lieu d'un autre cheval ? Elle savait à quel point j'étais incontrôlable en randonnée ! Mais c'était trop tard. La fillette, âgée de seulement 9 ans à cet époque, était déjà sur mon dos, rênes en mains, aucunement au courant de mon fâcheux caractère..
C'était trop tard, aussitôt lâché, j'étais parti comme une balle et sentant qu'elle voulait m'arrêter (dieu que je ne lui voulais aucun mal !) j'ai stoppé net comme on me l'avait enseigné au Texas et je me suis mis à me cabrer, comme pris entre mes deux intentions : courir jusqu'à l'infini et laisser la petite en sécurité.
Mais, elle est tombée avant que j'aie eu le temps de faire autre chose. Comme je m'en voulais... J'ai filé tout droit à l'écurie, craignant un choc électrique qui ne viendrait jamais finalement.
La fillette m'en voulait tellement. Elle me détestait et détestait encore plus le fait que son père ait décidé de me monter très régulièrement. Son père est une très bonne personne qui n'a pas du tout peur du danger. Il aimait le challenge et je pouvais lui en procurer amplement. J'ai passé quelques années avec cet homme. Il m'appréciait beaucoup et moi aussi d'ailleurs, parce qu'il ne me voyait pas comme une brute mais plutôt comme un défi. Mais j'avais besoin de plus, j'avais besoin de me confronter à quelqu'un de fort et qui tiendrait son bout, quelqu'un qui me respecterait néanmoins et qui répondrait enfin à mes attentes.
La fillette rageait de voir son père en ''danger''. Elle disait de moi que j'étais une tête folle, un dingue, un incontrôlable. Elle aurait souhaité me voir partir.
Ces cinq années passées avec son père, j'ai appris beaucoup sur elle. Elle avait du talent avec les chevaux à problèmes et était dotée d'un cœur énorme. C'était une fille extrêmement émotive et plutôt solitaire. Elle s'attachait rapidement à ce qu'elle apprenait à aimer et n'oubliait jamais rien de ce qui lui tenait à cœur. Je lai vue rire, pleurer, péter parfois ses petites crisettes d'adolescente et j’en passe. Je peux dire que je la connaissais par cœur.

Elle a eu un magnifique cheval Paint Horse du nom de Cheyenne pendant deux ans. Étant blessé à sa patte, elle ne pouvait pas garder le cheval et a décidé de le donner à une fondation pour les handicapés : grand cœur vous dites ? Elle aurait fait n'importe quoi pour ne pas avoir à enlever la vie à un animal.
Son père a commencé à monter un autre cheval, un dangereux : s'il avait pu, il aurait tué un humain sur place tant il avait de la rage sur le cœur. Lui aussi avait été l'un de ces nombreux incompris.
Ma maîtresse proposa à Émilie (le nom de la fille dont je vous parle) de me monter en trail. Émilie avait réussi avec deux juments difficiles (des juments battues, l'une aux course, l'autre parce qu'elle était dépressive de s'être fait ''voler'' sa pouliche) et ma maîtresse la croyait capable de s'occuper de moi. Assez ! Je ne voulais pas lui faire de mal, mais ma nature a, la plupart du temps, été plus forte que moi. J'étais incontrôlable et totalement imprévisible. Mais elle accepta l'offre avec une expression de défi.
J'ai été choqué la première fois qu'elle s'est occupée de moi ! Moi qui m'attendais à partir en randonnée en fou, et bien non ! Simplement une séance brossage et des jeux en liberté dans le manège. Bizarre quand même. Je n'avais jamais appris à m'amuser. À 2 ans je commençais déjà mon entraînement, pas le temps de m'amuser avec un humain. Là j'avais 14 ans et elle voulait que je joue avec elle.
Émilie était super patiente avec moi et même si je mettais les oreilles dans le crin en la suivant, même si je ne coopérais pas totalement, elle ne lâchait pas prise, chose que j'ai appréciée : pour une fois, on ne me laissait pas tomber. Elle me rendait visite 4 fois par semaine. Je travaillais fort. Elle donnait des cours avec moi, partait en balade avec moi (pauvre elle ! je lui donnais du fil à retordre), jouait et m'apprenait des tours.
J'avais enfin trouvé quelqu'un qui me respectais et pour elle, j'avais vraiment envie de changer. Elle avait compris beaucoup de choses à mon sujet. Elle me respectait énormément, mais ne se laissait jamais piler sur les pieds, une vraie leader. Plus de mors à levier, juste un petit mors de filet suffisait. Adieu le stress.
Elle m'a appris qu'en randonnée, c'était bon de changer de place, que je n'étais pas obligé de toujours être à l'avant. Le milieu était correcte et en arrière aussi.
Elle me connaissait par cœur, chacune de mes réactions lui étaient prévisibles. J’ai rapidement compris que si j’étais gentil avec elle en randonnée et que je ne faisais pas trop d’histoires, j’avais droit à quelques minutes de liberté : pour moi ça équivalait à courir à en perdre le souffle. J’étais si heureux quand elle me laissait faire, qu’après, pour elle, je redevenais calme et je ne m’emportais pas.
Émilie n’avait pas peur de moi ou de ce que j’étais capable de faire. Parfois, j’étais trop joyeux pour me contenir et malheureusement, elle en subissait les conséquences. J’étais particulièrement insupportable quand je suivais une calèche. J’étais si excité, je me levais debout, me couchais par terre, me jetais sur les côtés et elle, tout ce qu’elle trouvait à me dire c’est : « Calme toi mon vieux, ce n’est pas la fin du monde. » Si patiente, la jeune fille.

Puis, il y a eu le TREC. Les humains ont vraiment un énorme sens de l’imagination parfois ! Ma maîtresse voulait faire du TREC avec moi, donc cela impliquait de devoir lui faire confiance et la faire gagner : sauter, passer dans des trucs colorés, rester calme… Pas pour moi ! Chaque fois, elle échouait. Je devenais une bombe atomique. Bien sûr qu’elle pouvait gagner avec moi comme monture, mais j’avais tout ce qui me nuisait : une femme qui transpirait la peur, un mors à levier, pleins de gens qui me regardaient faire.. Trop pour moi.
Émilie a pris la relève. Elle, je pouvais lui faire confiance. Mais quand elle m’emmenait en TREC, ma maîtresse s’y prenait toujours à la dernière minute et moi je me sentais stressé, poussé et je devenais agressif parce qu’elle me donnait des coups de chambrière ou de chaîne sur le nez : il ne devait y avoir personne d’autre autour de moi qu’Émilie, sinon, gare au coups de pieds. Avec Émilie devant moi, c’était facile d’entrer dans cette chose étroite et sombre que les humains appellent trailer à chevaux.
Avec Émilie sur mon dos pendant le TREC, c’était si facile de performer et de faire des efforts pour rester calme. Sauter et passer dans des fossés ou des ruisseaux devenait un jeu d’enfant. On s’amusait tant.
Malheureusement, elle n'était pas la seule à me monter. Je savais énormément de choses et j'étais le meilleur cheval de cours de ma maîtresse. Mais elle souhaitait davantage pour moi. Elle souhaitait que je sois montable en randonnée, par n'importe qui. Mais c'était plus fort que moi, j'avais toujours cette folle envie de courir comme un dingue et tous ses clients revenaient en pleurs, à pied.
Je ne voulais pas d’eux.
J'ai passé 10 ans de ma vie à tourner en rond dans un manège, sans aucun jour de congé, sans beaucoup de contact avec mes congénères. J'en avais assez de cette routine. Émilie me donnait plus que ça et j'avais envie d'une seule chose : lui appartenir et seulement à elle.
Un jour, je me suis fâché durant l'un des cours et j'ai couru vers Émilie avec une fillette en pleurs sur mon dos. Plus tard, Émilie paniquait. Elle avait peur, mais peur de quoi ? Apparemment, ma maîtresse n'était pas contente de mon comportement et a téléphoné Émilie pour lui faire une offre. Soit elle m'achetait, soit j'allais à l'abattoir ! Non mais ! Comment pouvait-elle forcer Émilie à faire un tel choix ?
Le lendemain, j'étais à elle. Elle est venue me voir et m'a fait une promesse : « Je te jure que dès que j'en aurai la chance mon ami, je te sors d'ici et je t'emmène à un endroit bien joli où tu pourras vivre dehors en tout temps parmis pleins d'amis. Tu n'auras plus à travailler comme un dingue au gros soleil et à donner des cours. Ce sera seulement toi et moi, point final. Je t'aime et tu es l'une des meilleures choses qui me soit arrivées. Tu es mon meilleur ami et je te dois beaucoup. Je te promets de te respecter tout au long de ta vie et de ne jamais te vendre, ni même d'y penser. Quand tu tomberas malade, je te soignerai, quand tu seras triste, je te consolerai.... ». Et elle était partie dans ses infinies promesses.

Deux ans après mon achat et ne voyant aucun changement venir de la part de mon ancienne maîtresse, nous sommes partis à une autre écurie où j'étais bel et bien dehors avec une ÉNORME amie ! La nouvelle acquisition de son père. Une belle grosse pouliche Belge de 3 ans. Elle était si nerveuse, elle courait partout comme une dingue dès que quelqu’un bougeait le petit doigt. Elle m’a raconté que d’où elle venait, elle n’avait jamais été séparée de sa sœur et jamais manipulée par l’homme. Elle avait peur de faire quelque chose de mal, ne connaissant pas les réactions de ses nouveaux propriétaires. Je lui ai donc expliqué que Jean et Émilie étaient de bonnes personnes et qu'elles ne feraient jamais de mal à qui ou à quoi que ce soit. Voyant que j’avais plutôt l’air sincère, elle me cru sur le champs. Ça a d'ailleurs été la perle rare pour Jean.
Mais Émilie ne s'entendait pas bien avec la fille du propriétaire de l'écurie : disons que cette fille lui en a fait voir de toutes les couleurs à cette pauvre petite, si sensible. Alors nous sommes partis, encore une fois pour de nouvelles aventures.
J'étais si bien à ce nouvel endroit. Il y avait tant de chevaux dans le pacage et j'avais besoin de vivre dehors en tout temps. J'étais en semi-retraite. Je faisais beaucoup de travail au sol et de moins en moins de monte. Mais j'étais si bien. Émilie avait réussi à tenir toutes ses promesses. Et je lui en fis une à mon tour : toujours la protéger comme je le pourrais.
J'aimais cette fille, énormément. Je la protégeais et j'étais même jaloux si elle parlait à quelqu'un, loin de moi. J’étais jaloux quand elle emmenait son amoureux avec elle. J'étais jaloux quand elle flattait un autre cheval : je voulais tant la garder pour moi. J'avais si peur qu'un autre cheval la blesse. Parfois il m'arrivait même de la bouder parce qu’elle n’était pas toujours consciente de mon affection pour elle. J’avoue parfois avoir eu de la difficulté à le lui montrer, mais j’avais tellement un caractère de cochon !..
Malgré mon âge, 19 ans, j'étais resté un cheval énergique et je lui donnais encore quelque rares fois du fil à retordre, mais jamais elle ne m'en voulait. Elle me pardonnait tout de suite. Quand j'avais trop peur de quelque chose, que ma réaction la désarçonnait au point qu'elle en tombe par terre, jamais elle ne me chicanait.

[center]Une nuit, j'ai eu peur parce qu'il y avait des coyotes cachés dans les bois, mais avec ses yeux d'humaine, Émilie ne pouvait pas les voir. Elle voulait qu'on continue à galoper. Trop tard, j'avais déjà rebroussé chemin. La pauvre, elle est passée tout droit, tombée sur la glace froide et dure. Anormal : elle ne se relevait pas ! Elle me regardait tout simplement, tordue de douleur. J’aurais pu choisir de retourner à l’écurie, en sécurité, mais ça aurait pu nuire à la promesse que je lui avais faite à mon tour. Je suis donc retourné vers elle, la gardant entre mes pattes et l'aidant à se relever du mieux que je le pouvais : après tout, je n’étais qu’un cheval.
Elle m'était reconnaissante de ne pas l'avoir abandonnée-là.
L’été arrivait et j’ai été mis au champs avec un énorme groupe de chevaux. Dans ma tête, je me suis dit : « Ça va être difficile de gérer tout ça, mais c’est dans ma nature de faire le bosse des bécosses, alors.. » Et oui, j’ai oublié de dire qu’une grande partie de ma personnalité était due à mon gros caractère fort et du fait que j’étais un cheval très dominant. Une grosse bête ne me faisait pas peur du tout. Cependant, je me suis rendu compte que je n’étais pas le seul à penser ainsi.
Un cheval m’a eu à la patte arrière lors d’ une chicane. Je ne vous dis pas la douleur que j’ai eu, s’en était insupportable. Mais Émilie était là pour me soigner. Elle pleurait parce qu’elle était inquiète. Elle n’aurait pas du. Peut-être que j’étais en train de me montrer un peu trop alarmiste en boitant comme ça ? En fait, je pouvais courir aisément. Pauvre petite, je l’ai si inquiétée. Pour ne pas prendre de chances, elle m’a mis seul dans un paddock pendant deux semaines, le temps de ma guérison.
Une fois guéri, elle m’a retourné parmis les autres chevaux. Dieu que j’avais hâte de lui régler son compte à ce jeune cheval qui m’avait blessé. Il ne pouvait donc pas comprendre que c’était moi le maître de la place ?
Bon, bon, j’y ai cru un peu trop fort. Dans la vie, il faut parfois s’imposer certaines limites. J’aurais du ! Une semaine après m’avoir laissé avec le gros groupe, Émilie est venue me chercher pour me brosser. Je n’ai jamais entendu un humain crier comme ça ! Quand elle a vu ma fesse grande ouverte, à vif et coupure profonde, elle a eu si peur qu’elle est partie en courant et en criant.
Elle et la propriétaire de l’écurie, Danielle, sont revenues pour me soigner. Mais, elles ne savaient pas à quel point ça me faisait mal cette coupure. Dès que je marchais, ça tirait. J’avais si mal que j’étais agressif, pourtant je ne voulais pas l’être.

Pour ma guérison, j'ai du être reséparé du groupe et confiné dans un paddock seul. Il était si grand pour rien ! Alors ils ont mis le petit gris avec moi, histoire que je lui enseigne les bonnes manières. Ce jeune cheval n’avait aucun respect pour son entourage et encore moins pour les humains. Pas question qu'il approche de ma maîtresse celui-là ! Je l'avais à l’œil. Elle venait parfois s'asseoir dans le pacage et m'observer manger (franchement je ne voyais pas ce qui pouvait l'intéresser là-dedans) et le petit gris était vraiment tannant. Il était dangereux pour sa sécurité, pas question qu'il se mette entre elle et moi. Je protégeais Émilie.
On a eu un gros hiver froid, mais il était important pour ma santé que je vive dehors en tout temps. Alors mon gros poil poussait et je me maintenais au chaud.
Au printemps, il y a eu bien des choses qui se sont passées, et si vite. D’abord, il y a eu ce nouveau cheval, malade de la grippe, dans le box du fond de l’écurie, juste à côté du mien. Les gens ne savent pas à quel point la grippe peut se transmettre d’un cheval à l’autre juste en lui flattant le bout du nez..
Ensuite il y a eu le gros changement de température : froid, chaud, froid, chaud, on n’arrivait pas à se tenir confortable dans un tel climat.
Un matin, je me suis réveillé, j’étais fiévreux. Émilie est venue me chercher au paddock avec l’ambition d’aller en trail. Mais elle m’a trouvé si bizarre. Et à dire vrai, je l’étais. Je me sentais si mal, si malade. J’avais mal partout, je toussais, oh oui je toussais.
Pour être certaine, Danielle est venue m’examiner. J’avais de la fièvre et Danielle préférait que je reste dans le box jusqu’à ce que je sois correcte. Émilie n’était pas d’accord, elle savait que ça serait mauvais pour ma santé de rester à l’intérieur, mais en même temps, elle savait que ce pourrait être dangereux de me laisser dehors : si je me mettais à courir, ma fièvre aurait pu augmenter et empirer.
Danielle avait conseillé à Émilie de me faire examiner par le vétérinaire parce qu’elle n’aimait pas du tout ma toux.
Dès le lendemain matin, le vétérinaire est venu me rendre visite et il n’aimait pas cela non plus. Je ne comprends pas pourquoi, mais c’est en pleurant qu’Émilie est revenue me voir avant de partir. Elle pleurait tellement, j’avais envie de la consoler. Ce n’était qu’une toux après tout, non ? Je n’allais tout de même pas mourir !
Mais plus ça allait, plus je me sentais mal. On me donnait des antibiotiques, des piqûres : Dieu sait que je détestais vraiment les piqûres, mais pour Émilie, pour lui faire plaisir, je faisais des efforts. Le sirop me donnait tellement d’énergie que je n’étais plus capable de tenir en place, je devais sortir à tout prix. Quand je sortais, je m’époumonais tant je courais. Puis je me sentais deux fois plus mal par après. Je ne comprends pas pourquoi, mais je me sentais fatigué et vieux tout d’un coup. J’avais de la difficulté à respirer, mais me montrer malade devant Émilie et la rendre triste, j’en étais incapable ! Alors je continuais à courir.